XX. Humeur

mercredi 10 juillet 2024
par  Paul Jeanzé

Selon le système de l’exaspération, rien n’est meilleur que de se gratter. C’est choisir son mal ; c’est se venger de soi sur soi. L’enfant essaie cette méthode d’abord. Il crie de crier ; il s’irrite d’être en colère et se console en jurant de ne pas se consoler, ce qui est bouder. Faire peine à ceux qu’on aime et redoubler pour se punir. Les punir pour se punir. Par honte d’être ignorant, faire serment de ne plus rien lire. S’obstiner à être obstiné. Tousser avec indignation. Chercher l’injure dans le souvenir ; aiguiser soi-même la pointe ; se redire à soi-même, avec l’art du tragédien, ce qui blesse et ce qui humilie. Interpréter d’après la règle que le pire est le vrai. Supposer des méchants afin de se condamner à être méchant. Essayer sans foi et dire après l’échec : « Je l’aurais parié ; c’est bien ma chance. » Montrer partout le visage de l’ennui et s’ennuyer des autres. S’appliquer à déplaire et s’étonner de ne pas plaire. Chercher le sommeil avec fureur. Douter de toute joie ; faire à tout triste figure et objection à tout. De l’humeur faire humeur. En cet état, se juger soi-même. Se dire : « Je suis timide ; je suis maladroit ; je perds la mémoire ; je vieillis. » Se faire bien laid et se regarder dans la glace. Tels sont les pièges de l’humeur.

C’est pourquoi je ne méprise pas les gens qui disent : « Voilà un froid sec ; rien n’est meilleur pour la santé. » Car que peuvent-ils de mieux ? Se frotter les mains est deux fois bon quand le vent souffle du nord-est. Ici, l’instinct vaut sagesse et la réaction du corps nous suggère la joie. Il n’y a qu’une manière de résister au froid, c’est d’en être content. Et, comme dirait Spinoza, maître de joie : « Ce n’est point parce que je me réchauffe que je suis content, mais c’est parce que je suis content que je me réchauffe. » Pareillement, donc, il faut toujours se dire : « Ce n’est point parce que j’ai réussi que je suis content ; mais c’est parce que j’étais content que j’ai réussi. » Et si vous allez quêter la joie, faites d’abord provision de joie. Remerciez avant d’avoir reçu. Car l’espérance fait naître les raisons d’espérer, et le bon présage fait arriver la chose. Que tout soit donc bon présage et signe favorable : « C’est du bonheur, si tu veux, que le corbeau t’annonce », dit Épictète. Et il ne veut pas dire seulement par là qu’il faut faire joie de tout ; mais surtout que la bonne espérance fait réelle joie de tout, parce qu’elle change l’événement. Si vous rencontrez l’ennuyeux, qui est aussi l’ennuyé, il faut sourire d’abord. Et faites confiance au sommeil si vous voulez qu’il vienne. Bref, aucun homme ne peut trouver en ce monde de plus redoutable ennemi que lui-même. Je décrivais plus haut l’existence d’une espèce de fou. Mais les fous ne sont que nos erreurs grossies. Dans le moindre mouvement d’humeur il y a la manie de la persécution en raccourci. Et certes je ne nie point que ce genre de folie tienne à quelque lésion imperceptible de l’appareil nerveux qui commande nos réactions ; toute irritation finit par creuser son propre chemin. Seulement je considère en eux ce qui peut nous instruire, et c’est cette redoutable méprise qu’ils nous montrent grossie, et comme sous la loupe. Ces pauvres gens font la demande et la réponse ; ils jouent tout le drame à eux seuls. Incantation magique, toujours suivie d’effet. Mais comprenez pourquoi.

21 décembre 1921


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Des Poézies qui repartent dans le bon sens

Dimanche 16 juin 2024

Nous voici arrivés au mois de juin et je m’apprête à prendre mes quartiers d’été dans un lieu calme où j’espère ne pas retrouver une forme olympique. Sans doute ne serai-je pas le seul à me retrouver à contresens ; si vous deviez vous sentir dans un état d’esprit similaire, je vous invite à lire les poézies de ce début d’année 2024.

Bien à vous,
Paul Jeanzé