Mer démontée (La)

mercredi 17 mai 2023
par  Paul Jeanzé

Raymond Devos - La mer démontée

J’avais trois jours devant moi, je dis : « Tiens, je vais aller voir la mer. » Je prends le train, j’arrive là-bas. Je vois le portier de l’hôtel ; je lui dis :
—  Où est la mer ?
—  La mer… elle est démontée !
—  Vous la remontez quand ?
—  Question de temps.
—  Moi, je suis ici pour trois jours…
—  En trois jours l’eau a le temps de couler sous le pont…
—  Le pont ?… merci… je vais attendre demain. Le lendemain, je lui demande :
—  Où est le pont ?
—  Le pont ?… Quel pont ?…
—  Ben… le pont, quoi !
—  Y a pas de pont !
—  Comment, il n’y a pas de pont ?
—  Non… Il y en avait un mais on l’a démonté.
—  … Vous démontez tout ici, alors !
—  C’est la guerre !
—  Vous la remontez quand ?
—  Tous les vingt ans.
—  Moi, je suis ici pour trois jours !
—  En trois jours, vous avez des chances…
—  Bon, merci… Je vais attendre demain. Alors le lendemain, je me dis :
« Tout de même, avant de partir, il faut que je me débrouille pour voir la mer. » Je demande au portier de l’hôtel :
—  Puis-je voir la mer ?
—  Pas possible !
—  Pourquoi ?
—  Parce que c’est la fête !
—  Ah !… c’est la fête ?
—  Oui… alors on fait le pont.
—  Eh bien… si vous refaites le pont, je vais pouvoir voir la mer !…
—  Non, parce qu’il y a le feu d’artifice.
—  … Le feu d’artifice, je le verrai de la mer !
—  Vous le verrez mieux de votre chambre.
—  … Ma chambre, elle ne donne pas sur la mer !
—  Le feu d’artifice non plus ! (Explosant :)
—  … J’m’en fous de votre feu d’artifice ! J’veux voir la mer !
—  Pas possible, pas possible !
—  Comment, comment ?
—  Non, parce qu’il y a les gradins.
—  Les gradins ?
—  Oui… Ils ont mis des gradins sur la plage pour voir le feu d’artifice.
—  … Ils ont mis des gradins ?… Ils ont mis des gradins ?… Alors moi, je viens de Paris… Je prends le train… Je me donne du mal…
—  … Pleure pas, tu la reverras, ta mère !
—  … Je veux la voir tout de suite.
—  Pas possible ! Pas possible ! Alors je lui dis :
—  … Les gradins… vous les démontez quand ?
—  Quand la mer sera remontée.
—  … Vous la remontez quand, la mer ? Il me dit :
—  Quand vous serez parti !


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Message estival

Vendredi 04 juillet 2025

Même si je vous donne peu de mes nouvelles, j’avance toujours tranquillement sur mon petit roman, intitulé Une journée ordinaire. Je dis « petit » dans le sens où il est peu bavard en terme de mots : 25 000 mots environ. Il est « terminé » dans le sens où toute la matière est là. Je suis dans la phase où je relis et reprend chaque chapitre plusieurs fois jusqu’à en être (à peu près) satisfait. Peut-être cette phase se terminera-t-elle vers la fin de l’été, peut-être... car je reprends parfois tout du début, quand j’estime « perdre un peu le fil » De plus, le dernier chapitre est à revoir, la fin notamment... Je passe souvent énormément de temps à trouver une fin « pas trop banale ». Bref, beaucoup de cuisine interne !

Bien à vous et en vous souhaitant un bel été (au frais en ce qui me concerne, et dans la mesure du possible),
Paul Jeanzé