XLV
dimanche 23 avril 2023
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Une grille, des caillouxDes marches, une maison,Une porte,Personne…Je frappe, je rentre…Aucune âme…Seul, je suis seul…Vous qui passezSans un regard,Voyez ma peine…Jeté à la rueSans un toitEt de dire« Ici est ma maisonNul ne peut venir »…La terre s’élanceLe ciel pèseLes murs s’effondrentOh ! Ne m’oubliez pas,Gentil myosotis…Le trottoir lisse et brillantMe renvoieUn visage étranger…Des yeux éteintsDes dents prêtes|À mordre…… Pierres…Même vous !Vous me trompez ?Mes yeux étaient brillants,Ceux-ci sont pleins de Mort…Ma bouche était fièreCelle-ci se tait…Oh ! Réveillez-moi,Dites-moi que je rêve,Étrangers de l’au-delà…Ici, je suis chez moi,Mais vous…De quels droitsFoulez-vous cette terreNaguère si riche,Qui vous permetsDe meurtrirLes fleurs épanouies…Repartez viteFuyez, fuyez…Oh ! Ils restent là,Ils rient…Alors c’est donc moiQui ne suis pas de ce pays ?C’est donc moiQui assassine,Qui massacreEt qui tue ?Pourtant… ces arbresIls vivent !…Je les entendsJe console leurs pleurs,Je sais qu’ils souffrent…Toi qui passesLe sais-tu ?Peu t’importe…Cette rivière, là,Qui baigneLes maisons poussiéreuses,Qui se tortille sous la route,Qui se tord dans la fange…Qui s’écoule…La vois-tu ?Non, tu fermes les yeux,Tu te bouches les oreilles…Tu vis ?…Ah ! Quelle traîtrise,Quel chaos…Je n’en peux plus…Ma peau se tendSur mes nerfs enchaînés,Mes os craquentMa tête…Mais Bon DieuTout s’écroule…Là, cette pierreElle tombe…Ah ! Elle est tombéePlus loin…Et ce cheminQui n’en finit pas,Et ces femmesQui marchent,Sans savoir pourquoi…Et la neigeQui tombe sans arrêt,Et ceci, et celaPourquoi ?Oui, pourquoi ?Éclairez mon âme,Adoucissez mon cœur…Avoir fuiLa douceur chaude et muette,Avoir parcouruTant de terres aridesPour échoir là,Parmi des baraques infectes,Mordus par le feu,Parmi des cheminéesRouges de sangQui crachent les entrailles de la terreQue d’espoirs sont enfouisSous les ruines de cette ville…Je suis là,Je suis triste.Je suis seul…
Montargis, le 18 février 1963