La feuille d’automne

mardi 1er avril 2014
par  Paul Jeanzé

Aujourd’hui, mon regard se portait une dernière fois par-delà la lucarne. Les tourterelles, en cette fin du mois d’octobre, avaient déserté leur perchoir pour voyager vers d’autres cieux et d’autres lieux plus cléments. Je descendis péniblement l’escalier si souvent arpenté et dont la peinture fraîchement refaite venait de recouvrir en une couche marron et uniforme toute une histoire de chaussures mouillées et de chaussons troués. Et, comme le peintre n’avait pas tout à fait terminé de décaper ma mémoire, je passais soigneusement la main sur une rampe encore patinée et poissée de goûters avalés en trombe. Par ce geste, j’espérais naïvement retrouver l’odeur d’une quelconque confiture de mûres qui provenaient des rares buissons piquants qui délimitaient ici et là les champs de ce colza qui brillaient de mille feux intenses et éphémères vers la fin du mois d’avril. Une fois en bas, je pivotai vers la porte restée ouverte où je dus avancer encore d’un pas pour me retrouver en présence de ce monde d’automne qu’Alphonse de Lamartine avait si bien réussi à saisir. Devant moi, une magnifique haie sauvage prenait le pas sur l’herbe domestiquée. En arrière-plan, à côté des lilas qui avaient perdu depuis longtemps leur éclat, un grand arbre tout noueux, qui se laissait chatouiller pendant le printemps par un écureuil roux toujours pressé de profiter des premiers beaux jours, observait aujourd’hui son locataire parti en quête de souffler les champignons au nez et à la barbe des promeneurs du dimanche.

Oui, dans ces jours d’automne où la nature expire,
À ses regards voilés, je trouve plus d’attraits,
C’est l’adieu d’un ami, c’est le dernier sourire
Des lèvres que la mort va fermer pour jamais !

Des larmes de tristesse, ou peut-être des larmes de tendresse m’empêchèrent de voir l’écureuil qui revenait, le panier garni de sa chasse aux champignons. J’avais encore le souffle court. Je fermai les yeux, lentement, afin de reprendre un peu d’air. Doucement, je refermai la porte derrière moi. Comme les feuilles d’automne, je tremblais, et avec moi la feuille que je tenais entre mes mains, un peu comme le condamné à qui l’on tend un dernier vers.

Quand je suis fatigué, je sors de la gare en traînant
Quand je ne m’allonge pas sur les rails, je sors de la gare entier

À chaque instant de notre vie, il nous est toujours possible d’avoir rendez-vous avec la mort.


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Bien à vous et en vous souhaitant un bel été (au frais en ce qui me concerne, et dans la mesure du possible),
Paul Jeanzé


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