La pause café

mardi 1er avril 2014
par  Paul Jeanzé
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Tout n’était que solitude et chaos. Non seulement ces deux mots refusaient de sortir de ma tête, mais j’avais en plus l’impression qu’ils m’avaient été inoculés à mon insu, comme un virus qui… Entre le manteau beige et le chapeau aux larges bords ornés d’une tresse, mon esprit avait inséré la figure du lecteur de Camus, figure dont les traits déjà si creusés semblaient se décomposer lentement au point de ressembler à un de ces immondes rats de bibliothèque, ceux-là mêmes qui venaient grignoter…

Page après page…
Comme une page arrachée qui…
Que pouvait-elle contenir cette page arrachée ?
Quel morceau de lui, quel morceau de moi ? Que s’était-il passé avec cet homme et La peste ?

C’était comme si cette œuvre, comme si cette peste, avec tous ses mots et tous ces maux, avait quitté son histoire pour entrer dans la mienne.

Comment tenter de décrire ce que je ressentais ? Ce n’était pas un terrible déchirement. Non, plutôt un vide immense et intense. Non, ce n’était pas cela, ce n’était pas non plus cette sensation proche de celle qui me vrillait le ventre quand je m’en retournais vers mon lit, à pas lent, pour tenter d’achever mes nuits après de longues heures d’insomnie perdues dans le vent d’une porte-fenêtre restée ouverte.

C’était autre chose. Comme si… Je sentais que quelque chose était parti avec ce livre, et j’espérais que quelque chose fût arrivé avec lui.

Était-il possible de sentir un petit morceau de soi s’envoler et se perdre dans l’inconnu ? Était-il possible de sentir le petit morceau d’un inconnu venir se ficher en nous ? Un petit morceau qui nous empêchait à tout jamais d’élucider le puzzle de notre existence, celle-là même qui nous attendait peut‑être au-delà de nos portes-fenêtres. J’aurais tant aimé connaître le fin mot de cette histoire ancienne et familière. J’aurais tant aimé découvrir cette petite partie de moi qui y avait certainement sa part. Je me sentais envahi par une énorme frustration. Je sentais que j’avais peut-être eu la réponse à cette question sous les yeux, mais que tout s’était joué devant moi sans que je ne pusse rien y faire. J’avais attendu un battement des cils et un battement du cœur dans un même unisson, mais rien de cela ne s’était produit. Il était déjà trop tard. Mes pensées de nouveau s’obscurcissaient, se faisaient incohérentes, floues…

« Ploc »
« Ploc »
« Ploc »
« Ploc »

« Tiens, je t’ai fait couler un petit café parce que franchement, tu es tout pâle. Tu as dévoré un livre de travers ou quoi ? Fais gaffe à l’indigestion hein ! Je te trouvais pas en grande forme ce matin, mais là on peut pas dire que ça s’est arrangé ! Profite de la pause café pour te requinquer un peu, on dirait que tu as le cerveau qui fond ! Ou alors qu’un client t’en a piqué un bout ! Allez, prend ta guitare et file dans les couloirs du métro ! Pendant ce temps, je garde la boutique ! »


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