Quelques vers du passé
par
Passent les jours et passent les semaines
Ni temps passé
Ni les amours reviennent
Sous le pont Mirabeau coule la Seine [1]
Quand reverrai-je, hélas, de mon petit village
Fumer la cheminée, et en quelle saison
Reverrai-je le clos de ma pauvre maison,
Qui m’est une province, et beaucoup davantage ? [2]
Salut ! bois couronnés d’un reste de verdure !
Feuillages jaunissants sur les gazons épars !
Salut, derniers beaux jours ! Le deuil de la nature
Convient à la douleur et plaît à mes regards ! [3]
Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit. [4]
Sous les huées des enfants prodiges
Avec les craies de toutes les couleurs
Sur le tableau noir du malheur
Il dessine le visage du bonheur [5]
[1] Le pont Mirabeau - Guillaume Apollinaire, Alcools, 1913
[2] Heureux qui comme Ulysse - Joachim du Bellay, Les regrets, 1558
[3] L’automne - Alphonse de Lamartine, Méditations poétiques, 1820
[4] Le dormeur du val - Arthur Rimbaud, 1870
[5] Le cancre - Jacques Prévert, Paroles, 1946