Une voie différente

Par Gérard Touaty
samedi 30 janvier 2021
par  Paul Jeanzé

Quand Pharaon fit partir le peuple, Hachem ne le conduisit pas par le chemin de la terre des Philistins car il était proche, car Hachem dit "... de peur que le peuple ne regrette (quand il verra la guerre) et qu’il ne retourne en Égypte." (chap. 13, verset 17)

Il est intéressant de noter que la première évocation de la liberté d’Israël est marquée par une négation et une restriction : "Hachem ne le conduisit pas par le chemin...". L’histoire nous a pourtant habitués au contraire ! Avec l’idée de libération est généralement associée l’idée d’ouverture, d’effondrement de tabous ou de barrières : pour se défaire d’un carcan, on balance dans l’extrême inverse. D’une société où tout était interdit ou surveillé, on passe à un monde où tout devient permis et possible. C’est cet écueil que Hachem voulut éviter au peuple juif. "Philistins" se dit en hébreu pelishim de la racine palouch, qui évoque l’idée d’ouverture. Pour le judaïsme, la liberté ce n’est pas faire n’importe quoi, mais c’est apprendre à maîtriser le vide et l’aventure qu’elle nous propose. Si en se libérant d’une tyrannie, l’individu bascule dans l’excès contraire où il donnera libre cours à ses pulsions et à ses désirs, il retombera en fait sous l’emprise d’une autre tyrannie. C’est le sens des mots "... de peur qu’il ne retourne en Égypte". L’Égypte, ici, est le symbole de l’asservissement. En fuyant une Égypte, le risque est grand de retrouver une autre Égypte. Pour s’en préserver, l’homme doit construire sa liberté, s’imposer une discipline de vie qui l’aidera à s’éduquer. C’est l’un des buts de la pratique des mitzvoth : donner à l’homme une mesure à son existence… pour rester un homme et non devenir un objet tributaire de tous les totalitarismes qu’une société peut engendrer.

Le choix du Hafetz Haïm

Au sortir de l’Égypte, le Hafetz Haïm nous dit que deux chemins s’offraient au peuple juif. Le chemin qui menait au pays des Philistins d’une part, et le désert d’un autre côté. C’est le désert que Hachem choisit pour son peuple et c’est à travers ce choix qu’allait se dessiner l’identité du peuple juif. Le pays des Philistins était habité, et Israël y aurait trouvé de quoi vivre mais il aurait subi l’influence spirituelle néfaste des Philistins. Le peuple juif avait donc tout à gagner matériellement mais risquait à court terme de perdre sa spiritualité naissante. À l’opposé, se trouvait le désert, lieu qui n’offrait aucune garantie de survie mais procurerait l’isolement et la coupure d’avec le monde : l’endroit était idéal pour se créer une identité. C’est cette direction que prit Moshé pour conduire son peuple, décision a priori incompréhensible et à la limite dangereuse, mais l’avenir spirituel d’Israël, était en jeu. Aucun peuple ne se serait hasardé à affronter le désert ! Mais, et c’est ce que le verset vient souligner, Israël est différent des autre peuples : "Hachem ne le conduisit pas par le chemin de la terre..."... En hébreu, l’expression employée pour "chemin de terre" est "dere’h eretz" qui signifie aussi "l’habitude du monde", ce qui donne alors au verset un autre sens : "Hachem ne le conduisit pas d’une manière habituelle...". À ce moment, Hachem ancra dans la conscience juive, la conviction que l’on ne devrait jamais emprunter les mêmes voies que les Nations. Le verset nous en donne lui-même la raison : "... car il était proche...". Pour le sens simple, il s’agit ici, du pays des Philistins. Mais nos Maîtres lisent le verset dans une autre perspective : "... Hachem ne le conduisit pas par le chemin de la terre des Philistins car il était proche...". Qui était proche ? Hachem lui-même. Par amour pour son peuple, Hachem choisit une voie différente qui permettrait à des homme de Lui ressembler.

Gérard Touaty (actualité juive hebdo)


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