2014 - Bon voyage
par
Janvier 2014
J’ai fait mes calculs. L’alphabet comportant 26 lettres, j’en ai donc encore pour 25 ans de notes de mémoire. Largement de quoi voir venir. Ensuite ? Il est sans doute encore un peu tôt pour y penser. D’ici là, bon voyage et au plaisir de faire tout ce chemin en votre compagnie !
Ce matin la rosée
Tous les matins
Voyage en train
Petits et grands
Petits écrans
Rangez vos portables
Sortez vos cartables
Feuilles de papier
Crayons de couleur
Rangez vos rimes
Qui font grise mine
Dessinez le soleil
Les couleurs de l’arc-en-ciel
Les petits nuages
Qui suent goutte à goutte
Vers le sol arrosé
Et ses toiles d’araignée
De rosée entourées
Que j’aimais regarder
Assis sur les marches
D’un jardin de campagne
Un mercredi sans école
Un lundi de vacances
Tous les matins
Voyage en train
J’ai oublié un instant que je n’étais plus un enfant
Je me suis rappelé un instant que j’étais cet enfant
Vite je sors de mon cartable
Une feuille de papier
Un stylo quatre couleurs
Finalement le temps a passé
Et pas grand-chose n’a changé
Monsieur Z (fin alternative)
C’est ainsi que se termine ce texte. Enfin, c’est là que je le termine, car il n’est qu’une Genèse finalement. Il devient ainsi quelque chose de fini, dans le sens où il contient ses propres limites : il a un début, il a une fin. Et pourtant je pourrais très bien le continuer à l’infini. Je pourrais le continuer jusqu’à la fin, jusqu’à ma fin, jusqu’au moment où mes yeux ne verront plus ; que mes mains ne pourront plus écrire ; que de ma mémoire ne s’échappera plus aucun souvenir. Mais l’infini dépasse de loin mes faibles capacités d’être humain et c’est vaincu que je dépose auprès de vous non pas un testament, mais une trace de ce que je suis, une trace de ce que j’ai été. Car si le Divin est éternel, les pauvres hommes que nous sommes sont sans cesse engagés dans une lutte perdue d’avance : la lutte contre l’oubli…
Ce qui est détestable à tes yeux, ne le fais pas à autrui. C’est là toute la Torah, le reste n’est que commentaire. Maintenant, va et étudie. Hillel – Talmud de Babylone, traité Shabbat 31a
Commentaire
Il y a encore quelques jours, je vous disais : le silence est la voix de la sagesse. Et pourtant, en ce début d’année, je repars de plus belle en écrivant à pleine voix. Il aurait sans doute été plus logique que je me taise à jamais. Sans doute ne suis-je pas encore un sage ;nous verrons bien d’ici 25 ans, j’ai encore le temps. Et puis si je devais êtreun sage dès à présent, que me resterait-il à faire dans le futur ? Peut-être également ne faut-il jamais prendre une citation au premier degré. Peut-être a-t-elle un sens caché, et que l’important n’est pas ce qui est écrit, mais ce qui ne l’est pas (on dit « en creux » en ce moment, c’est l’expression à la mode, même si de mon côté, je trouve que c’est plutôt très creux comme expression). Ou alors que tout simplement je m’amuse à écriredans une même phrase : « voix » et « silence » (sachant bien entendu que je ne suis pas le premier à le faire). Ou alors que j’ai écrit ce petit bout de phrase absolument comme ça, sans vraiment savoir quel en aura été le cheminement, au grand dam d’Auguste Dupin et des habitants de la rue Morgue ! Pire, je suis peut‑être en train de vous orienter vers de fausses pistes, car l’explication est tout autre ! Ainsi, vous comme moi, chacun peut y aller de son petit commentaire ! C’est sans doute pour cela que je ne peux m’empêcher de sourire quand j’entends de-ci de-là, d‘interminables débats sur ce qu’a bien pu vouloir dire tel ou tel auteur dans une de ses œuvres. Vous allez sans doute me dire qu’il y a un rapport entre mon commentaire et la citation talmudique qui précède. Ce n’est pas impossible, et j’avoue m’amuser du paradoxe apparent qui peut en découler. Un commentaire ? Je vous en prie, vous savez comment procéder maintenant…
À une amie à qui j’avais tardé d’écrire
En m’excusant que ma plume ne soit pas passée par chez vous ces derniers temps. Il faut vous dire que le vent était contraire.
Maintenant, en y pensant sérieusement…
Je pourrais écrire des textes sérieux, philosopher en continu sur le devenir de l’homme ou le devenir du monde, comme sur la destinée de l’homme ou la destinée du monde. Mais en procédant ainsi, j’aurais bien trop peur de finir par me prendre au sérieux. De plus, j’ai besoin de laisser un peu de moi-même dans ce que j’écris. Que ne subsistent pas que quelques notes et quelques pensées, au risque de voir l’homme s’effacer derrière ses propres pensées. L’homme n’est pas que pensée. Il est également. En réfléchissant, je me demande si je n’ai pas déjà écrit un tant soit peu la même chose il n’y a pas si longtemps. Peut-être que je n’ai pas grand-chose de sérieux à dire finalement.
En baisse…
Dans les temples de la consommation, point de consolation. D’ailleurs, ma dernière visite s’est soldée par un échec.
Erreur de date – Note du 9 janvier 2014
Cela n’est pas tout à fait exact, puisque nous sommes en fait un jour plus tard, soit le vendredi 10 janvier 2014. Que cela m’apprenne à vouloir écrire mes notes à l’avance.
C’est lui ou c’est moi ?
Je suis très perplexe sur le fait que quelqu’un qui soit né au début des années 1970 puisse écrire un roman ayant pour thème la Shoah. S’il est important de se souvenir, doit-on pour autant tenter de réécrire le passé ? Ne s’agit-il pas là d’une vaine tentative pour un écrivain n’ayant pas vécu l’événement ? J’en arrive même à douter de la sincérité du littérateur qui utilise la Shoah ou les Juifs dans ses textes. Cela m’amène à penser qu’il est peut-être un peu malhonnête, voire dangereux, de parler des autres, car il est peu probable que l’on sache de qui l’on parle. Laissons donc aux Juifs le soin de parler des Juifs et à l’écrivain de parler de lui-même. Maintenant, si l’écrivain né dans les années 70 est juif, c’est plus compliqué. Ou plus simple. Je ne sais plus très bien…
Il manque une pièce ? Non, elle est en double !
Je viens de m’apercevoir que j’avais déjà inséré une des petites phrases du mois de décembre 2013 dans le récit que je suis en train de relire. Plus j’écris et plus j’ai l’impression de fabriquer des pièces qui s’assemblent. Ce qui est amusant, c’est que ces pièces peuvent composer des puzzles différents. Bien sûr, vous pouvez aussi considérer qu’elles font double emploi. J’avoue surtout espérer secrètement que vous aurez l’occasion de chercher et de retrouver cette petite phrase là où je l’ai placé.
Chronique de l’air du temps
Hier j’ai écrit une chronique sur les turpitudes de… quelle importance… Ce matin, j’ai choisi de la supprimer. Hier, j’ai écrit une lettre à mon père. Aujourd’hui, j’ai choisi de l’ajouter dans mes notes de mémoire.
Lettre à mon père
J’ai lu et lis encore les Lettres à un jeune poète de Rainer Maria Rilke. J’avoue avoir également pris le temps de lire tes annotations. Te souviens-tu à quel moment tu les avais lues ?
La force de ce texte est qu’il est vrai, qu’il est dans le vrai, et que ce qui est écrit (et merveilleusement écrit) est vrai parce que hors du temps, hors de l’espace. Rilke a cette extraordinaire capacité à écrire sur des sujetssi difficile à exprimer : l’amour, la solitude, le rapport au Divin, à la nature (mais n’est-ce pas finalement la même chose ?) et à l’écriture. À l’aube de l’humanité, sans doute ce texte aurait pu exister. Sans doute d’ici quelques millénaires, ce texte aura toujours toute sa force, si tant est que l’humanité ait toujours sa raison d’exister.
Hier, j’ai lu Courrier sud, le premier roman d’Antoine de Saint-Exupéry. Étonnant livre où j’ai eu l’impression d’accompagner la naissance de l’écriture chez cet auteur :les pensées s’entrechoquent, les enchaînements sont parfois flous, brouillons. Et là tout à coup, une phrase lumineuse : « Je ne suis plus qu’un ouvrier, j’établis le courrier d’Afrique. » Et chaque jour, pour l’ouvrier, qui commence à bâtir le monde, le monde commence. Je lis également de temps en temps Capitale de la douleur et L’amour la poésie de Paul Éluard. Si certains textes sont très déroutants, il en reste toujours une impression, un petit morceau d’un univers particulier. L’ordre des mots semble parfois complètement désordonné, sans liens les uns avec les autres. Et pourtant…
Réflexions sur mon écriture (Lettre à Françoise)
Il est vrai qu’il est difficile de critiquer son propre travail,mais je crois que c’est la meilleure façon d’avancer. Et également, même si je ne suis pas toujours les conseils que l’on me donne, j’écoute et j’observe. Concernant mon texte, je suis en train de procéder à un travail complet de relecture. Il est déroutant de se relire un an plus tard. Je trouve déjà certaines phrases maladroites et d’autres effectivement inutilement chargées. Néanmoins, je ne dois surtout pas trop modifier en profondeur mon texte, ayant la volonté de donner l’impression que mon récit est une naissance, un commencement, avec les maladresses qui vont avec. Le cœur du texte se trouve là. En revanche, il est au moins un texte où je trouve le rapport à l’enfance trop empreinte de souffrance, et finalement trop éloigné de ce que je crois être la réalité de mon enfance. Je vais certainement atténuer cela. En me relisant, l’important est que je me sente bien au milieu de mes textes. Que j’ai envie de les relire, et que même si j’en perçois les nombreux défauts, que j’aime ses défauts. Si je devais écrire un texte que j’estimais parfait, que me resterait-il alors à écrire ? J’ai l’impression également que mes écrits deviennent plus apaisés au fil du temps. J’essaye de gagner en profondeur et en intimité, mais sans pour autant me mettre à nu. D’une certaine façon, je n’ai pas atteint l’objectif que je m’étais fixé au départ, à savoir « mettre par écrit mon processus de conversion ». Sans doute était-il trop tôt. Néanmoins, j’ai énormément appris. Quand il sera terminé, sans doute irais-je l’enregistrer chez mon notaire, et après l’avoir offert à mes proches, peut-être irais-je le proposer à un éditeur, en commençant par Gallimard, non pas parce que je l’ai écrit dans ce but, mais parce que j’aimerais bien le faire partager, mais vraiment partager, et non pas être connu et reconnu. Enfin, je crois…
À visage recouvert
Je la vois de dos, une belle silhouette. Et élégamment habillée. Tailleur sombre. Elle se retourne. J’ai à peine le temps de voir un visage creusé, fatigué. Je ne l’avais pas reconnue. Il y a encore quelques mois, la silhouette était plus imposante. Et le visage plus doux. Beaucoup plus doux. Je la voyais toujours seule, fumant sa cigarette. Aujourd’hui comme hier, elle a toujours le même regard triste et lointain. Je la vois toujours seule, fumant sa cigarette. Parfois, si le corps change, rien ne bouge à l’intérieur.
Le béton armé
Si le béton est armé, c’est qu’il a quelque chose à se reprocher.
Monde insensible
Les sujets sensibles n’existent pas. Tout au plus existent des individus qui n’osent plus en parler avec sensibilité.
La maladie ou la mort ?
Qu’il est difficile d’écrire quelques mots de réconfort quand on doit faire face au silence et à l’absence. Et si souvent je pense à toi, je ne sais quoi penser.
Petite phrase chargée de sens écrite sur un cahier
Les cahiers des charges finissent souvent à la poubelle, faute de ne pas être suffisamment respectés.
Il semble que la perfection soit atteinte non quand il n’y a rien à ajouter, mais quand il n’y a rien à retrancher. Antoine de Saint-Exupéry – Terre des hommes – Folio p. 52
Il m’arrive ainsi d’avoir envie de supprimer toute la deuxième partie de Monsieur Z. Entre la perfection et le néant, la différence est parfois si tenue. De même entre l’orgueil et l’humilité !
La réponse est dans la question
Une enquête statistique ne donne-t-elle pas plus d’informations sur les personnes qui posent les questions que sur les personnes qui y répondent ? Voilà une question qui mériterait bien une enquête statistique !
Aux débuts de l’ascension
Je ne suis ni pour ni contre. Je suis.
Février 2014
Le pourquoi du comment
Il m’a souvent été demandé pourquoi ? Pourquoi, c’est-à-dire : pour quelles raisons avez-vous fait ce voyage vers Israël ? Souvent j’ai tenté de répondre à cette question. Et toujours j’ai échoué. Jusqu’au jour où j’ai compris que l’on ne m’avait pas posé la bonne question. Personne, en effet, ne m’a jamais demandé comment j’avais fait ce voyage. Mais, même si personne n’est jamais venu me poser cette question, il faudra pourtant bien un jour que je tente d’y répondre, à cette question que personne ne se pose.
Monsieur Z
Il m’est difficile de terminer ce texte. Les relectures sont longues et me demandent de m’immerger complètement dans mes écrits, ce qui est parfois difficile au quotidien. Dans le même temps, j’ai également peur de trop me détacher de la réalité du quotidien. Mais qu’est-ce que le quotidien, sinon un espace matériel qui étouffe le reflet de notre âme.
Retard
Quand je l’ai rencontré, elle ne riait pas souvent
Au mieux quelques sourires
Au moins pour l’apparence
Pour tout dire, elle était triste seulement
Seule ? Pas vraiment
Solitaire ? Certainement
Un peu comme moi finalement
Qu’est-elle devenue depuis tout ce temps ?
Sans doute ai-je commencé un peu tard
À vouloir attirer son regard
Un moment de fantasy
Un vieux bonhomme tout gris découvre un grimoire tout poussiéreux. D’habitude, il tombe sans cesse sur de la camelote et de vieilles casseroles. La dernière fois, il était même tombé sur une coupe dont le fond semblait contenir du sang séché. Écœurant !
Oui mais…
Notre péché d’orgueil, c’est de croire que nous sommes le peuple élu alors que nous ne sommes que le peuple choisi. Et encore, nous avons pas mal râlé avant d’accepter.
Autre fin alternative à Monsieur Z
Ami lecteur, l’essai que vous tenez entre vos mains touche à sa fin, car c’est bel et bien d’un essai dont il s’agit. Essai. Tentative ratée. Échec. Commencement. Renoncement. Début de l’histoire. Fin de l’histoire. Plutôt que d’aligner les mots les uns à la suite des autres et provoquer ainsi un effet de style des plus quelconques, peut-être devrais-je laisser tomber une bonne fois pour toutes le masque de l’écrivain et procéder à une analyse de ma personne sans complaisance aucune. D’une certaine façon, je n’ai jamais voulu en arriver là. Ou plutôt, je pensais naïvement qu’il me serait possible de raconter dans le même récit mon cheminement vers Israël ainsi que mon cheminement vers l’écriture. Et de rendre le tout fluide, limpide et intelligible. Si l’envie d’écrire semblait s’imposer à moi, à aucun moment je n’ai réussi à apprivoiser le sujet que j’avais choisi au départ. Dans mes rêves les plus fous, je m’étais imaginé pouvoir vous parler de mon cheminement, de A jusqu’à Z, de vous livrer le roman de ma vie, le tout enveloppé dans un style pétri de lyrisme, de poésie et d’envolées littéraires fulgurantes. Je me suis vu tour à tour poète, historien, intellectuel, philosophe, romancier à succès puis écrivain oublié, conteur d’histoires, psychiatre, parolier, chanteur et guitariste, pour au final complètement oublier que j’étais simplement Monsieur Z. Un peu comme si je me donnais ma propre leçon d’humilité. Que d’orgueil dans cette fin !
Nous contrôlons (pour vous) la situation !
Il était un temps où un contrôleur contrôlait. Mais depuis que nous vivons à l’aube d’un jour où l’homme sera bientôt libéré de toutes ses contraintes, ce qui personnellement ne me rassure guère, il nous est devenu nécessaire de revoir quelque peu notre vocabulaire. Alors plutôt que de "contrôler", voilà que nous devons maintenant porter un regard de vraisemblance. Sans doute cette nouvelle façon de voir les choses sera réalisée par un vraisemblablateur, même si j’avoue plutôt penser, en lisant ce mot, à une personne qui parle pour ne rien dire. Présenté comme cela, on pourrait presque en rire. Pourtant, il m’est difficile de m’amuser avec les mots quand la justice humaine vient me parler du droit à mourir dans la dignité alors qu’il serait plus approprié hélas de parler de peine de mort administrative. L’être humain, dans tout son orgueil, croit qu’il peut choisir de contrôler sa propre mort. Pardon, je devrais dire : l’être humain, dans son orgueil, croit qu’il peut choisir de porter un regard de vraisemblance sur sa propre fin de vie. En écrivant cela, je m’aperçois qu’il semble nécessaire de trouver un substitut à orgueil. Peut-être à être humain également…
Celui qui a mal tourné
Je ne suis pas sûr de vouloir un jour commenter l’actualité. Néanmoins, il est certains titres dans les journaux qui semblent vouloir absolument démontrer l’absurdité devant laquelle parfois nous nous trouvons. Pas plus tard que ce matin, voici ce que j’ai pu lire : une formation aux attentats-suicides tourne mal et fait 21 morts. Je ne suis pas certain qu’il soit nécessaire de commenter cette phrase, que l’on parle du fait en lui-même ou de la façon dont il est énoncé. Car effectivement, peut-on vraiment écrire que cette formation a mal tourné ? N’était-il pas préférable hélas, que les stagiaires aient choisi une formation accélérée ? Ce que je viens d’écrire est absolument terrible et cynique à la fois. Mais vous qui me lisez, n’êtes-vous pas, au plus profond de vous-même, un peu d’accord avec moi ? Finalement, je crois deviner pourquoi je n’aime guère commenter l’actualité.
Tonton Georges
Si je suis juif, c’est certainement que j’aime suivre les chemins qui ne mènent pas à Rome.
À bicyclette…
Cette année, l’hiver est doux. Pour l’instant… Mais que le temps est agité. Pluie et vent. Vraiment beaucoup de vent. Et s’il est possible d’aller s’abriter dans quelques recoins de la vallée, il faudra bien aller se frotter aux rafales qui nous regardent de travers, prêtes à nous envoyer dans le fossé. Parfois, il m’arrive ainsi de penser que mon vélo s’est transformé en une vulgaire tête de mule qui n’a alors qu’un seul et unique rêve, celui d’aller brouter l’herbe sur le bas-côté !
Je doute
Je suis loin de toute certitude concernant l’avenir de mon écriture. C’est sans doute pour cette raison que cette (douteuse) expression se retrouve encore à 59 reprises dans la première version de Monsieur Z.
Morceau choisi
Par quel processus certains morceaux de textes se retrouvent-ils rejetés dans le néant ? N’est-ce pas essentiellement pour l’auteur un moyen de croire qu’il peut choisir ce qu’il écrit ? Et puis aussi, quelques années plus tard, il pourra également s’interroger sans fin : « Et si je m’étais trompé ? Et si j’avais jeté ce que j’aurais finalement dû garder ? » L’homme aime vraiment à se torturer.
Morceau antonyme
Plus j’avance, plus je regarde en arrière. Ce que j’ai dit. Ce que j’ai écrit (pour ce qui est de regarder devant, je verrai plus tard). Je me rends bien compte que tout est bancal, désorganisé, mal rangé, parfois d’une naïveté confondante. Que je parle de tout. Que je ne parle de rien. Que dès que je commence à structurer, je m’applique aussitôt à déstructurer. Si je m’empare d’un sujet sérieux, je tente immédiatement de le tourner en dérision. Sans doute par peur, car dès que je commence à décrire un personnage en souffrance, je me retrouve avec lui précipité dans le gouffre de sa douleur.
Déjà vu, déjà lu, déjà écrit
Au cours du mois de novembre 2013, j’ai commencé un récit s’apparentant à un recueil de nouvelles. Dans l’une d’elles, une scène se déroule dans une caverne. Il me semble que cette idée m’est venue quand ma mère m’a donné les Mémoires écrits dans un souterrain (1864) de Dostoïevski dans une belle édition de 1955 (préfacée par Jean Grenier) ayant appartenu à mon grand-père. Au cours de ma lecture, je retrouve certaines pensées et certaines idées que j’avais moi-même tenté, dans un style bien moins brillant, de mettre par écrit dans Monsieur Z
.
Oublions donc la raison et osons la comparaison :
J’écris pour moi seul et déclare une fois pour toutes que, c’est uniquement parce qu’il m’est plus facile d’écrire ainsi. Ce n’est qu’une vaine question de forme ; je n’aurai jamais de lecteurs. Je l’ai déjà dit…
Mémoires écrits dans un souterrain.
– Monsieur Z, j’ai bien peur que vos lecteurs soient également complètement dépassés !
– Très franchement Madame Fusin-Dumerg, croyez-vous vraiment que j’aurai des lecteurs ? Et si jamais un lecteur devait s’égarer au milieu de notre dialogue, qu’il aille alors faire un tour du côté de la tour de Babel, ça lui passera !
Monsieur Z.
Histoire de rester dans la littérature russe, on peut lire cette maxime dans Oncle Vania d’Anton Tchekhov : « L’état normal d’un homme est d’être un original. »
Je peux donc en conclure pour l’instant que je ne suis pas normal puisque j’ai comme un air de ressemblance avec Dostoïevski. Maintenant, est-ce un bon début pour me construire ma propre originalité, allez savoir...
Je commence à vraiment mal tourner (comme tout le Monde finalement)
Mais quel vice en moi me porte à me tenir au courant, presque tous les matins, de l’actualité du Monde ? Peut-être parce qu’il arrive parfois de tomber sur des nouvelles bien saignantes dont le passage de l’une à l’autre ne peut m’empêcher de hurler de rire alors que l’une sans l’autre m’aurait très certainement fait grincer des dents. Jugez plutôt :
Le Danemark a promulgué lundi une loi interdisant l’abattage rituel des animaux. Une ancienne actrice espère rencontrer le Président de la République pour que la France légifère en ce sens.
[…]
Une femme est accusée d’avoir tué son compagnon en l’empoisonnant à l’atropine et en le découpant à la scie circulaire. Elle clame toujours son innocence.
Visiblement aujourd’hui, c’est la journée des longs couteaux. Je me demande ce que l’on nous prépare pour cette nuit…
Cela manque de coordination tout ça quand même…
Vous souvenez-vous du vraisemblablateur ? Mais si, rappelez-vous, c’est ce monsieur (si c’était une dame j’aurais dit vraisemblablateuse, mais j’entends d’ici les cris de… enfin bref) qui, le 7 février, portait un regard de vraisemblance sur je ne sais quoi. Hé bien figurez-vous que je viens de découvrir que l’on ne dit plus prison mais lieu de privation de liberté. Et figurez-vous qu’il existe même un contrôleur général des lieux de privation de liberté ! Vous me voyez venir, je m’en doute bien ! Et je vais effectivement vous poser la question suivante : pourquoi ne parle-t-on pas d’un homme portant un regard de vraisemblance sur les lieux de privation de liberté ? Et pourquoi ne pas simplement dire vraisemblablateur à l’air libre par exemple ? Peut-être également faudrait-il travailler sur le mot "liberté". Laissez-moi réfléchir… Aptitude à être laissé sans surveillance, qu’en pensez-vous ? Ce n’est pas mal ça non ? Bonjour monsieur, vous faites quoi dans la vie ? Moi ? Je porte un regard de vraisemblance sur les lieux de privation laissés sans surveillance.
Mon aptitude à être laissé sans surveillance
D’un temps variable à long terme plutôt grand je t’ai pris en phase adoptive
Comme un carré contrarié tout poli en quantité non renouvelable
Etc
Entre nous, il ne va pas être à la fête le prochain Georges Moustaki…
Le poème
Au moment de me mettre à écrire quelques vers
Cet instant où poète je m’apprête à crier
Je me trouve ridicule et préfère étouffer
L’hémistiche de six pieds engourdi par l’hiver
De cet art de la prose je ne sais disposer
Du sonnet et des rimes n’en maîtrise pas l’effet
Amoureux de cet art je le suis il est vrai
En lecteur simplement en écrire trop m’effraie
La ballade des pendus et leur bal sautillant
Poètes et voleurs s’assemblaient tournoyants
Je rêvais de sonnets pour la rose cueillir
Ils mourraient sans espoir la regardant flétrir
Que faut-il pour souffler des paroles enflammées ?
Malheureux et souffrant d’un amour sans amant ?
De ma bouche rien ne sort mes lèvres sont asséchées
Je n’ai rien à pleurer que des vers s’envolant
Mars 2014
Solitude
Nous sommes seuls avec toi
Et toi tu es avec chacun de nous
Finalement tu es la seule à ne pas l’être
Seule…
Je ne sais comment sont les autres avec toi
Je ne connais personne d’autre que toi
Ce matin je suis seul avec toi
Autour de moi du vide
Un peu d’anxiété
De me retrouver face à ton silence
Qui es-tu vraiment ?
Pourquoi ne me parles-tu jamais ?
Réponds-moi s’il te plaît
J’ai peur du silence ce matin
Avril 2014
Donner. Et D. vous le rendra ?
Je nous vois trop souvent, nous Juifs, donner des leçons à nos contemporains alors que nous devrions simplement donner l’exemple. Finalement, il n’est pas seulement important de donner, encore faut-il ne pas donner n’importe quoi à n’importe qui…
Tel père
Prélude à un monde Composite
Ce matin le soleil
Ne s’est pas levé
Les réverbères nébuleux
Seuls jetaient
Leur clarté irréelle
À travers l’ombre de la nuit
Les murmures de la rivière
S’élançaient dans le silence
Chancelant la ville morte
Quelques drapeaux
placés là
Claquaient dans le vent froid
Comme une porte abandonnée
L’obscurité grandissait
Dans la ramure des arbres
Dépouillés
La silhouette d’un château
Où peut-être vivait encore
Quelque malin fantôme
Se confondait
Avec le ciel sans couleur
L’allée montait toujours
De nombreuses étoiles
Se bousculaient
Sur la mer endormie
Des toits embrumés
Quelques pas
Quelques bruits
Le soleil ne s’est pas levé
Mars 1962
Tel fils
Ce matin
Le soleil s’est levé
Sur un petit bout d’humanité
Un enfant, une épouse, un être aimé
Ce matin
Le soleil s’est levé
À travers l’atmosphère de nos villes polluées
Ce matin
Le soleil s’est levé
Derrière les vitres sales et fermées de mon bureau climatisé
Assis dans mon fauteuil, confortablement installé
Dans la douceur artificielle du ronronnement quotidien
J’attends que l’on vienne me chercher
Depuis combien de temps suis-je assis
À attendre que le soleil se lève et m’apporte sa chaleur ?
Depuis combien de temps suis-je assis
Et à me laisser bercer par cette illusoire torpeur ?
Il est temps pour moi de me lever
De suivre les rayons du soleil
Et d’oublier les rails de l’histoire
Ce matin
Le soleil s’est levé
Sur un petit bout d’intimité
Un poème, souvenirs du passé
À ne pas oublier
J’aime regarder le ciel et les nuages qui y passent. J’aime regarder le soleil qui se couche et qui donne à la terre ces tons ocres si particuliers. À aucun moment je ne cherche à savoir pourquoi le ciel est bleu et comment se forment les nuages. Où est l’essentiel à cet instant ? Quelques moments de contemplation ou la connaissance des mouvements de l’atmosphère ? Et quelle connaissance d’ailleurs ? Celui qui sait est-il celui à qui l’on pense ?
Mai 2014
Une avalanche de mots
Il m’arrive de penser, une fois que j’ai rédigé et envoyé une longue lettre à un ami, un collègue, une connaissance, d’avoir peur qu’elle ait été mal reçue, mal perçue. En effet, les réponses que je reçois à mes longs développements sont souvent courtes et lapidaires. J’ai pourtant toujours été persuadé qu’il fallait beaucoup de mots pour exprimer au mieux notre pensée, sachant que les mots ne pourront que l’approcher. Mais peut-être suis-je tout simplement déçu par les réponses des uns et des autres. J’aime lire. J’aime écrire. Je me sens parfois bien esseulé au quotidien.
Il est souvent dit de l’individu qu’il est rationnel. Certes. Mais que dire alors de l’être humain ? Que s’il lui est extrêmement difficile et coûteux d’être raisonnable, il est, hélas, désespérément prévisible.
Le schiisme
Une opération militaire
Quelque part sur un petit bout de terre
Pourquoi partir si loin
Pour lutter contre tous ses maux en isme ?
Pourquoi ne pas rester dans le coin
Pour se battre pour autre chose que ses mots en isme ?
Liberté
Égalité
Fraternité
N’est-ce pas là notre seule vérité ?
Et si le isme souhaite nous accompagner
Qu’il marche aux côtés de l’optimisme
Et Laisse loin derrière lui le pessimisme
Ce soi-disant amoureux qu’il venait de quitter
La vie à deux peut être une merveilleuse réalité
Une belle humanité
Une douce féminité
Une sincère complémentarité
Qu’il semble parfois loin le temps de l’authenticité
« Bèn Zoma disait : Quel est le véritable héros ? C’est celui qui sait vaincre ses passions ainsi qu’il est dit : « Celui qui peut réprimer sa colère est plus fort qu’un héros, et l’homme qui est maître de ses passions surpasse celui qui s’empare des villes. » Michelè 16, 32.
La journée du poète
C’est un jour ordinaire qui ce matin s’est levé
Du fond de mon lit j’entends les bruits de la haie
Fauvettes et grisettes jacassent à l’envi
Ainsi commença la journée du poète. En se levant ce matin-là, il lui vint l’idée, non d’écrire un poème, mais plutôt de raconter sa journée de la façon la plus poétique qui soit. Sa difficulté, il le savait bien hélas, était de savoir si ses rimes étaient de qualité ou si finalement ces vers étaient stupides et ridicules.
Juin 2014
La peinture des mots
Je n’ai jamais peint et je n’y connais absolument rien en technique de peinture. Pourtant, quand j’écris, j’ai l’impression d’être comme un peintre qui commencerait, afin de réaliser le visage de son modèle, par dessiner à grands coups de crayons une grosse pomme de terre censée représenter la tête. Et ensuite seulement, de prendre le pinceau, de mélanger les couleurs, et patiemment, par petites touches, de lentement révéler les contours du visage. Il me semble que je procède sensiblement de la même manière, en écrivant d’abord quelques phrases décrivant succinctement l’idée générale. Et ensuite seulement, d’ajouter, d’ajuster et de décorer les phrases avec des adjectifs, des images que j’essaye d’éloigner des lieux communs, des mots de la plus grande précision possible. Et un rythme sonore également. Plus le temps de l’écriture avance, et plus il me semble important de conférer aux phrases écrites une certaine musicalité. Dans le rythme. Dans le son des syllabes.
Du livre
Le seul livre que je puisse écrire est celui que je n’ai pas lu.
Si j’avais lu tous les livres de la Terre, je n’aurais plus rien à écrire.
De la superstition
En passant devant le bureau de tabac, j’ai vu une très longue file d’attente. Nous sommes le vendredi 13 juin 2014. Et de comprendre qu’ils s’en remettaient au hasard pour espérer enfin avoir la vie dont ils avaient toujours rêvé d’avoir. Je ne sais pas encore si le XXIe siècle sera mystique ou spirituel, mais toujours est‑il qu’il est au moins superstitieux.
Mémoires d’outre-tombe
Il me prend parfois l’envie de commencer une œuvre dont l’unique dessein serait de tout réunir, de tout rassembler, un texte dans lequel je ne ferais pas d’autre effort que celui d’écrire. Mais comment ne pas être, avant même son commencement, complètement découragé par l’ampleur et la difficulté de la tâche ? En relisant ces deux premières phrases, je sais bien que je ne suis pas sincère, tant il est peu probable que je vous livrasse, par exemple, certains aspects de mon intimité. De plus, après Les confessions de Jean-Jacques Rousseau, après Les mémoires d’outre-tombe de Chateaubriand qui aurait fait dire à Victor Hugo, quand il était jeune : « Je veux être Chateaubriand ou rien », qui suis-je pour prétendre assumer la relève d’un genre où s’entremêlent la littérature, l’histoire et l’intimité de son auteur. Comment puis-je prétendre vous emmener dans un voyage à la rencontre d’un Moi qui peine à survivre dans le Monde ce de début de XXIe siècle ? Comment puis-je prétendre vous donner une idée de ce qu’il se passe ici‑bas sur terre alors qu’il me semble que tout y va bien trop vite pour moi, mais peut-être également pour bon nombre de mes contemporains ? Et quand vous saurez que je n’ai pour l’instant écrit qu’un balbutiement de roman que je n’ose à peine envoyer aux éditeurs, peut-être conviendrait-il que je cesse tout de suite ma vaine entreprise.
Peut-être suis-je également tenté de commencer une écriture parallèle à celle qui, je l’espère, me permettra de quitter un jour le monde des bureaux de travail pour un autre monde, celui, certainement imaginaire, des bureaux d’écriture sur lesquels s’entassent des montagnes de manuscrits, elles-mêmes en contrebas d’immenses barrières de livres s’effeuillant dans un savant désordre automnal.
Hélas, au beau milieu de ce mois de juin 2014, je suis ce fonctionnaire perdu qui, installé devant son écran d’ordinateur, et alors que mon administration ne me donne que rarement de quoi maudire sur l’inutilité de ma tâche, balance entre regarder ce qui se passe à l’extérieur de ma fenêtre de bureau, et regarder à l’intérieur de cette même fenêtre, ou rien ne se passe.
Sur mes contemporains
Je lis peu de littérature contemporaine, préférant me plonger dans celle qui a réussi à traverser le temps qui passe. J’aimerais bien pouvoir être encore là, dans un siècle ou deux, afin de pouvoir me rendre dans une bibliothèque et feuilleter ce que les hommes auront bien voulu sauvegarder de notre siècle. Auront-ils l’impression, comme moi aujourd’hui, que la plupart des œuvres estimables de notre temps sont pour leur immense majorité d’un pessimisme exacerbé ? Alors qu’il me semble que la vie est une succession de moments de joies et de peines, la littérature de mon siècle semble s’enfoncer dans la noirceur la plus profonde. En écrivant cela, je pense au Rapport de Brodeck de Philippe Claudel. Je pense également à Laurent Gaudé et Le soleil des Scortia. Il me vient en tête L’insomnie des étoiles de Marc Dugain. Qu’il est étonnant, alors que mon pays n’a plus connu la guerre sur son territoire depuis 1945 (je me permets de mettre de côté la guerre d’Algérie entre 1954 et 1962), de constater à quel point même les romanciers ont perdu le goût de vivre. Je n’échappe pas moi-même aux turpitudes de mon temps, je m’en aperçois bien quand je relis certaines de mes nouvelles qui sont terriblement sombres. Qu’il me soit donné la force de remonter vers la lumière.
Pense-bête
De l’oisiveté (Paul Éluard) dans un monde où il devient impossible d’être oisif, tant nous sommes sollicités de tous les côtés.
On n’est jamais poète, ni lecteur de poèmes, sans un brin d’oisiveté. Il faut, pour accorder son cœur aux bonnes puissances de la beauté, pour élever ses sentiments, pour formuler ou pour entendre justement la vérité, un temps d’arrêt, un temps d’attente délibérée, de réflexion ou de rêverie.
Cette vacance dépend de la somme de soucis que nous donnent les malheurs, les luttes, les certitudes de nos frères. La poésie dépend, notre passé en est témoin, de la vie triomphante.
Paul Éluard – Préface de La poésie du passé
Quelle sera la société nouvelle ? […] Vraisemblablement l’espèce humaine s’agrandira, mais il est à craindre que l’homme ne diminue, que quelques facultés éminentes du génie ne se perdent, que l’imagination, la poésie, les arts, ne meurent dans les trous d’une société−ruche où chaque individu ne sera plus qu’une abeille, une roue dans une machine, un atome dans la matière organisée.
Vers 1834 – Avenir du monde – En annexe des Mémoires d’Outre-tombe – François-René, vicomte de Chateaubriand
L’infini plus un
Ce petit ajout, apparemment anodin, en y réfléchissant, m’a finalement rendu perplexe. En effet, peut-on vraiment ajouter quelque chose à l’infini ? Peut-on aller au-delà de l’au-delà ? Si l’infini n’a pas de limite, si l’infini est illimité, peut-on l’augmenter de un ? L’infini peut-il croître, être en expansion ? si tant est que cela puisse avoir un sens ! S’il est plus ou moins facile d’imaginer aller au-delà de ses limites, il nous est difficile de tenter d’imiter ce raisonnement dans le cas de l’illimité. Un petit pas pour l’illimité, un grand Un pour l’humanité !
Le rapporteur public du Conseil d’État requiert la mort de Vincent Lambert.
La dernière mise à mort en France datait de 1977. Hier, c’était pour punir des criminels. Aujourd’hui, c’est pour… je ne sais qu’en penser, si ce n’est que je ressens un profond abattement en lisant cette triste nouvelle.
Au bonheur du drame
Si l’être humain passe son temps à rechercher le bonheur, c’est bien signe qu’il ne sait pas quoi chercher.
Scène de (fenêtre de) bureau
À quelques pas de moi, il me semble voir deux personnes qui, à leur façon d’être, résument à elles seules toute une société. La première personne est une femme. Elle est visiblement en dépression. Pendant de longues minutes, elle est restée assise là, sur un banc en métal, sans bouger, les yeux dans le vague, ne pouvant faire plus que de semer les cendres de sa cigarette sur des dalles en béton. Sur ces mêmes dalles, un homme fait les cent pas. Des centaines de pas, devrais-je dire. Il parle, il vitupère, il harangue son interlocuteur téléphonique avec de grands gestes. Après de très longues minutes, la femme s’en est allée, lentement, très lentement. Quant à l’homme, sa conversation se termine. Alors, le voilà qui s’assoit, certainement pour envoyer et recevoir, toujours avec son téléphone, une pluie de messages aussitôt oubliés. Et le voilà qui repart, sur le même rythme infernal, dans une nouvelle conversation. Entre celle qui semble déjà morte, et celui qui surjoue autant qu’il survit, quelle place reste-t-il pour celui qui souhaite vivre, tout simplement ?
Réflexion juive
Pour le non-juif, le Juif ne semble pouvoir être vu que de deux façons : soit par le prisme de la haine, soit par celui de la fascination. Certes, il lui est toujours possible de rester totalement indifférent à la question juive. Mais ne peut-on pourtant pas imaginer une position plus modérée, à savoir que le non-juif peut faire preuve d’un simple intérêt à la question ? Non, car celui qui pensera ainsi, tôt ou tard, basculera dans la haine ou la fascination, ou peut-être… se convertira.
Vivre et…
Ceux qui ont peur de la vie auraient mieux fait de se poser la question avant leur naissance.
…mourir
Je me demande parfois si les vivants ne passent pas plus de temps à penser à la mort qu’à la vie. Si tant est qu’il y ait une différence entre les deux.
Fatigue…
Tout le monde est différent, encore faut-il que tout le monde en soit conscient. Après, si tout le monde pense qu’il est différent, tout le monde ne pense-t-il pareil ? Là tout de suite, je crois que je suis fatigué de penser pareillement.
La France n’appartient à personne, si ce n’est à elle-même.
Trop vite
Le progrès va à un rythme tel que la plupart de nos objets n’auront plus aucune matérialité d’ici 20 à 30 ans, j’en suis presque persuadé. Malgré ce que j’entends ici ou là, d’ici quelques années, plus personne ne saura ce qu’est vraiment une liseuse, une clef USB… Le progrès se dévore lui-même, et il ne s’en rend pas vraiment compte. Aujourd’hui, tout le monde croit qu’une liseuse est un appareil électronique qui permet de lire des livres alors qu’en réalité, au-delà du petit coupe‑papier servant en même temps de signet, la liseuse est une personne qui se livre passionnément à la lecture. Ainsi, l’être humain serait devenu un gadget électronique ces derniers temps. La machine remplace l’homme sans qu’il ne s’en aperçoive…
Juillet et août 2014
De la solitude, encore…
Qu’il est délicieux d’être seul au milieu des autres. Je dis bien être seul, et non pas se sentir seul. Que j’aime regarder mes contemporains se débattre alors que de mon côté je n’ai rien d’autre à faire que les observer. Cela n’est jamais bien long, car rapidement, je reprends la lecture du livre que j’avais abandonné pendant quelques instants. Quelle félicité que de me replonger dans le doux clapotis des mots au milieu des remous du monde qui m’entoure.
Le piège
Une course folle à travers les rues de la ville. Là, un groupe de manifestants, drapeaux rouges flottants au vent. Rachel fait demi-tour et court vers la synagogue. Un peu plus au nord, un autre groupe de manifestants, drapeaux noirs claquants dans le ciel. David court, lui aussi, vers la même synagogue. Ils arrivent en même temps, s’engouffrent dans la salle de prière déjà pleine. Le bruit se rapproche. Puis le tumulte, les cris, le chaos et enfin, le silence. Cette fois-ci, les Juifs ont échappé au sort auquel ils étaient destinés. Un terrible combat vient d’avoir lieu devant la synagogue. Au loin, le son des ambulances. Et puis les habitants qui commencent à sortir de leur coquille. Les ennemis se sont entre-déchirés. Et dans les yeux du bon citoyen qui vient récolter quelques moments de carnage à bon prix, déjà un regard qui en dit long, déjà la flamme rampante qui s’était éteinte dans les yeux des morts qui vient se fixer dans ceux des vivants. « Ah, que tous ces morts seraient encore vivants si vous ne les aviez attirés dans votre piège machiavélique. » Oui, dès le lendemain, la rumeur gronde. On parle de deux jeunes Juifs excités qui auraient provoqué les groupuscules pour les amener à se rencontrer et à s’entre-dévorer devant les portes de leur maudite synagogue.
À court d’idées
On ne construit rien avec des idées, tout au plus des camps dans lesquels on parque tous ceux qui n’ont pas les mêmes que nous.
Le ballet
Par la fenêtre j’aperçois une scène hors du commun. Pendant près d’une heure, il va gesticuler, marcher de long en large, réaliser d’incroyables moulinets avec les mains. Il a un téléphone à la main. Je ne jugerai pas sa façon de perdre son temps, car après tout, elle n’est pas plus idiote que la mienne. Mais se rend-il vraiment compte qu’il se donne en spectacle à des centaines de personnes ? Enfin, si comme moi, elles font un tant soit peu attention à ce qu’il se passe par-delà leur fenêtre…
Patronyme pas trop con
C’est l’histoire d’un petit hameau qui s’appelle La Mort aux Juifs. Ce petit hameau se situe dans le pays Où vivent les cons. Que j’habite… donc…
Septembre 2014
Il n’y a pas de sot métier
J’aimerais, un jour, quand l’on me demandera quel est mon métier, pouvoir répondre : « Je ne peux vous parler de mon métier, car chut, c’est une couverture. »
Liberté et mathématiques
Certes, mon niveau en mathématiques est proche de zéro. Mais je refuse qu’il me fût interdit d’affirmer : « un plus un égal trois » !
Rien à dire…
Je m’imagine parfois être un écrivain publié. Je me demande d’ailleurs souvent quelle serait ma réaction s’il m’était proposé de répondre à un entretien. J’espère être capable ce jour-là de ne pas céder au culte de la personnalité, et, si l’on me demande de parler de moi, de pouvoir répondre : « je ne dirai rien à ce sujet, car tout est dans mes livres. Mais soyez prudent, car mes proches eux-mêmes se demande souvent si c’est de moi ou pas que provient l’inspiration. Et, pour finir de vous embrouiller, je me pose très souvent cette question de mon côté ». En poussant un peu plus ma réflexion, je ne suis même pas certain d’avoir envie de parler du contenu de mes livres. De l’écriture, oui, peut-être, car sans doute est-ce cela le plus important pour moi. Mais, cela intéressera-t-il vraiment quelqu’un ?
La bête à concours « première partie »
Sentiment de quelque chose de globalement satisfaisant en cette fin du mois de septembre, et ce même si la dernière nouvelle, intitulée un instant héroïque de fantaisie, demande à être peaufinée. J’ai par ailleurs écrit trois chapitres d’un récit que j’ai intitulé la véritable histoire de Monsieur Z. Mais sans doute vais-je attendre pour le poursuivre, ne me sentant pas capable de me concentrer sur deux projets en même temps.
Mes emmerdes
Je ne cherche pas la perfection, sachant pertinemment qu’elle est impossible à atteindre. De plus, je passe déjà tellement de temps à me débarrasser de toutes les situations et de toutes les personnes, et je n’ai pas peur de l’écrire ainsi, qui m’emmerdent au quotidien, que je n’ai plus guère de temps à accorder à la recherche de cette chimère.
Octobre à décembre 2014
Quelques vers sans importance
Je suis un pseudonyme ridicule
Choisi un soir pour m’insérer dans le réseau
Paradoxe déambulant d’un piéton de la toile qui préfère la solitude
J’erre au milieu de commentaires souvent à hauteur de caniveau
De longues années devant moi se sont écoulées
Emportant loin de moi les rêves que je n’avais jamais eus
De ce monde éperdu
Je me sentis longtemps refoulé
Écran clavier traitement de texte
Je faisais de l’absence sur présence
Souvent sur le bas-côté je fus assis à les regarder
Que pouvais-je saisir de ce temps qui loin de moi emportait
Les rêves d’enfants que je n’ai jamais eus
Au-dessus quand de rêver je tentais
Sous terre quand elles tentaient de me rattraper
Je fais de l’absence sur présence
Ces amis que le vent emporte
Un ami, c’est cette personne qui vient me demander de mes nouvelles sans que j’ai eu besoin de me rappeler à son bon souvenir.
Une petite phrase sauvée des eaux
La pluie était devenue si capricieuse qu’elle n’hésitait maintenant plus à accompagner ses giboulées de brusques rafales de vent.
Le souffle de l’écriture
Un écrivain indiquait récemment combien il était sorti vidé de son premier écrit. Je ressens exactement l’inverse. Maintenant que Monsieur Z est achevé, je me sens rempli d’une telle force créatrice que mon deuxième récit est déjà bien entamé. J’ai également écrit trois chapitres du troisième. Dans le même temps, j’ai en tête deux idées bien précises du quatrième et du cinquième. Qu’il me soit permis de garder cette force et cette envie.
Donnez-moi de vos nouvelles !
En attendant des nouvelles de mes écrits, j’écris des nouvelles. C’est somme toute assez logique finalement.
Ça tourne
L’économie circulaire, une économie qui tourne en rond.
Le choix s’échoue
Si parfois je ne sais quelle activité choisir entre celle-ci et celle-là, n’est-ce pas par conscience de la brièveté de la vie, sachant pertinemment que je n’aurai pas le temps de tout faire ? Alors, pourquoi vouloir me faire croire à tout prix que je ne serais qu’un être indécis ?
Pan, t’es (pas) mort
Il fut un temps où les débats stériles entre deux individus s’arrêtaient le jour où l’un faisait passer l’autre de la vie à trépas au cours d’un duel à l’épée ou au pistolet. Malheureusement, notre société civilisée ayant depuis de nombreuses décennies interdit ce genre de règlements de compte, il faut maintenant attendre que l’un arrête de répondre à l’autre, ce qui, hélas et au grand dam des pauvres et impuissants spectateurs d’une telle scène, peut ne jamais arriver.
Vie de famille
Si la France est ma mère, alors Israël est ma femme.
Réflexion moyenne
Si je continue à faire des statistiques, la probabilité que je reste à l’Institut est de 100 %. Voilà le genre de réflexion qui me met le moral à zéro…
scato-logique
L’important, quand on pénètre dans des toilettes publiques et que l’on s’aperçoit qu’un certain nettoyage serait nécessaire, n’est pas tant d’avoir une pensée pour celui qui est passé avant nous, mais surtout une pensée pour celui qui passera après nous.
Zone à définir
Une ZAD, c’est par exemple Notre-Dame de No man’s land : trois vieux nostalgiques de 1968, cinq jeunes désœuvrés et leurs vingt-cinq chiens. C’est aussi trente sociologues, quarante journalistes, et deux cents policiers.