Quatrième jour (quelque part en milieu d’après-midi)

mardi 1er avril 2014
par  Paul Jeanzé
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Laissons là Madame Fusin-Dumerg à son étonnement. Étonnement dont on pourra s’étonner d’ailleurs, car souvenez-vous qu’hier encore, elle ne s’était point étonnée (j’écris autant d’étonnements que je veux, cela n’a pas à vous étonner, la répétition n’étant pas interdite par la grammaire, mais seulement par quelques grincheux – et des grincheuses aussi, mais peut-être un peu moins nombreuses – qui voudraient donner à l’écriture des règles, des normes, des standards, des règles, des normes, des standards, des normes, des règles, des standards virgule à reproduire en boucle de lignes à gagner et de mots à glaner et « Quand dans un discours se trouvent des mots répétés et qu’essayant de les corriger on les trouve si propres qu’on gâterait le discours il les faut laisser, c’en est la marque. Et c’est là la part de l’envie qui est aveugle et qui ne sait pas que cette répétition n’est pas faute en cet endroit, car il n’y a point de règle générale. » Ça fait toujours bien d’indiquer une citation. Merci Pascal, c’est bien pensé ! Balaise le Blaise ! Ce que je m’autorise quand même…) du trou béant créé par un obus de mortier et qui avait remplacé le temps d’une nuit la porte et le mur qui séparaient son cabinet de sa salle d’attente. Et si les ouvriers noctambules avaient eu le temps de faire le mur puis de recréer une ouverture tambour battant pour combler le jour, protéger leur fuite et permettre leur retour à l’appoint du jour rends-moi la monnaie, ils n’avaient pu remarquer que, dans un petit coin du cabinet derrière une psyché, un minuscule trou (dans le mur évidemment) abritait une petite larve dans son cocon. Et sans doute la plupart d’entre vous attendent maintenant la fin évidente de ce quatrième jour, j’ai nommé l’arrivée de l’hélicoptère lépidoptère, allégorie classique de la chenille transformée en papillon, occulte vieille de jour qui s’envole alors majestueusement dans la nuit. Peut-être un peu moins nombreux sont ceux qui attendent un autre éclairage, à savoir la fin tragi-comique du papillon qui en voulant gagner les airs, s’arrête devant le miroir et ne prenant pas la peine de réfléchir aux dangers qui l’entourent, se pâme en vol stationnaire devant la glace, ne voit pas la chauve-souris qui s’abat sur lui en passant par la fenêtre qui s’était ouverte consécutivement à l’effet de souffle provoqué par l’obus de mortier, l’avale et slurp ! disparu le papillon dans une fin pitoyable et lamentable.

Mais…

Mais restera-t-il ne serait-ce qu’une seule personne pour penser différemment ? Restera-t-il seulement une seule personne pour donner à cette curieuse digression, écrite avec talent ce qui ne gâche rien bien au contraire, c’est tellement beau que je m’en vais relire ce passage encore, oh oui encore, que disais-je donc, la fin dramatique et onirique qui lui revient. Où est-elle cette personne qui…

À cet instant, il me semble important de reprendre la main. C’est toujours la même difficulté avec ces narrateurs. Ils commencent par intervenir en italique plutôt qu’en pointillé, certes de façon subtile, au bon moment et au bon endroit, mais ils perdent toujours rapidement les pédales d’avoir été du jour au lendemain projetés en pleine lumière. Et les voilà qui se prennent alors pour celui qui écrit, comme ces pauvres petites larves qui rêvent un jour de devenir un papillon !

C’est pénible d’être interrompu de cette façon quand même ! Où en étais-je déjà ? Ah oui ! Voilà… Où est-elle cette personne qui…

Cette situation est complètement absurde. Il faut absolument que je parvienne à y mettre fin.

Sur ce mot de la fin, l’homme qui écrivait sortit de son bureau et partit se coucher en laissant la fenêtre ouverte et la lumière allumée. Au milieu de la nuit, il fut réveillé par des bruits provenant de son bureau. Dans celui-ci, il découvrit le spectacle insolite de trois chauves-souris se délectant des papillons qui virevoltaient autour des luminaires. Il retourna tranquillement se coucher une fois que le spectacle eut cessé de l’amuser. Le lendemain matin, à l’aube d’un jour nouveau, il se rendit dans son bureau. Tout était calme. Nul papillon ne virevoltait dans la pâleur de la pièce. Il nota simplement que le plus petit luminaire s’était éteint, sans doute à force d’avoir éclairé toute la nuit durant. Les chauves-souris étaient certainement parties se faire pendre ailleurs. L’homme qui écrivait referma doucement la fenêtre, l’air satisfait. Une nouvelle journée commençait pour lui et son rendez-vous de la matinée n’allait sans doute pas tarder à se présenter à son domicile.

Et moi ? Qui suis-je ? Pas grand-chose vraiment. Un simple narrateur qui voudrait devenir écrivain. Mon histoire sera courte vous savez, j’ai juste répondu ce matin à une petite annonce sur laquelle on pouvait lire ceci : « écrivain cherche narrateur pour l’aider à écrire une histoire à dormir debout ». J’ai peur que cette histoire se termine rapidement. Mais bon, il faut bien commencer par quelque chose non ? Mais si, vous verrez par la suite… Mais quel est donc ce bruit ? On dirait un monstrueux battement d’ailes ! Et cette ombre ! Non, ce n’est pas possible ! C’est… c’est une chauve-souris ! Elle est énorme ! Impossible ! C’est impossible ! Invraisemblable ! C’est à dormir deb…

Slurp ?


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